Gilles de Rais
Les
Evêques s’assirent, au premier rang, entourèrent, immobiles, Jean de Malestroit
qui, d’un siège plus haut, dominait la salle.
Sous
l’escorte d’hommes d’armes, Gilles entra.
Il
était défait, hâve, vieilli de vingt années en une nuit. Ses yeux brûlaient
dans des paupières rissolées, ses joues tremblaient.
Sur
l’injonction qui lui fut adressée, il commença le récit de ses crimes.
D’une
voix sourde, obscurcie par les larmes, il raconta ses rapts d’enfants, ses
hideuses tactiques, ses stimulations infernales, ses meurtres impétueux, ses
implacables viols ; obsédé par la vision de ses victimes, il décrivit leurs
agonies ralenties ou hâtées, leurs appels ou leurs râles ; il avoua s’être
vautré dans les élastiques tiédeurs des intestins ; il confessa qu’il avait
arraché des cœurs par des plaies élargies, ouvertes, telles que des fruits
mûrs.
Et
d’un œil de somnambule, il regardait ses doigts qu’il secouait, comme pour en
laisser égoutter le sang.
La
salle atterrée gardait un morne silence que lacéraient soudain quelques cris
brefs ; et l’on emportait en courant, des femmes évanouies, folles d’horreur.
Lui,
semblait ne rien entendre, ne rien voir ; il continuait à dévider l’effrayante
litanie de ses crimes.
Puis
sa voix devint plus rauque. Il arrivait aux effusions sépulcrales, au supplice
de ces petits enfants qu’il cajolait afin de leur couper, dans un baiser, le
cou.
Il
divulgua les détails, les énuméra tous. Ce fut tellement formidable, tellement
atroce, que, sous leurs coiffes d’or, les Evêques blêmirent ; ces prêtres,
trempés aux feux des confessions, ces juges qui, en des temps de démonomanies
et de meurtres, avaient entendu les plus terrifiants aveux ; ces prélats
qu’aucun forfait, qu’aucune abjection des sens, qu’aucun purin d’âme
n’étonnaient plus, se signèrent et Jean de Malestroit se dressa et voila, par
pudeur, la face du Christ.
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