SALLE DE LECTURE

Paquita la Sevillane
de
Dinah de La Baudraye, sous le pseudonyme de Jan Diaz 
(dans Balzac
 La Muse du département, 1843)

          

  PAQUITA LA SEVILLANE

 Si vous connaissiez l’Espagne,
Son odorante campagne,
Ses jours chauds aux soirs si frais ;
D’amour, de ciel, de patrie,
Tristes filles de Neustrie, 
Vous ne parleriez jamais.

C’est que là sont d’autres hommes
Qu’au froid pays où nous sommes !
Ah ! du soir au matin,
On entend sur la pelouse
Danser la vive andalouse
En pantoufles de satin.

 Vous rougiriez les premières
De vos danses si grossières,
De votre laid Carnaval
Dont le froid bleuit les joues,
Et qui saute dans les boues,
Chaussé de peau de cheval.

C’est dans un bouge obscur, c’est à de pâles filles
    Que Paquita redit ces chants ;
Dans ce Rouen si noir, dont les frêles aiguilles
    Mâchent l’orage avec leurs dents ;
Dans ce Rouen si laid, si bruyant, si colère…

……………………………………………

 Paquita, voyez-vous, naquit dans la Séville
    Au bleu ciel, aux soirs embaumés ;
Elle était, à treize ans, la reine de sa ville,
    Et tous voulaient en être aimés.
Oui, trois toréadors se firent tuer pour elle ;
    Car le prix du vainqueur était
Un seul baiser à prendre aux lèvres de la belle
    Que tout Séville convoitait.

……………………………………………

 Elle faillit mourir, mais elle fut fidèle.
    Quand son soldat fut de retour
A la fin de l’année il la retrouva belle
    Digne encore de tout son amour.
Mais lui, pâle et glacé par la froide Russie
    Jusque dans la moelle des os,
Accueillit tristement sa languissante amie…