SALLE DE LECTURE

Enrico Vivarès
(dans Raymond Roussel
Comment j’ai écrit certains de mes livres, 1935.)


                         Enrico Vivarès veut s’enrôler dans la Farquita, cette fameuse ligue qui cherche en vain à ordonner le Mexique.

                        Lâché seul dans un labyrinthe, longtemps, bravant l’angoisse, il marche vers l’inconnu, guidé à chaque carrefour par une flèche.

            Il parvient à la fin sur l’estrade d’une salle pleine où l’un des chefs le gifle publiquement, non sans que l’accompagnement d’une formule polie ne fasse de son geste le simple emblème d’une forte hiérarchisation.

                        Puis il reçoit un nœud coulant en fil d’or, fixé à une épingle qu’on pique sur sa poitrine, — insigne de la ligue fait pour rappeler cet article diaboliquement draconien : De quiconque livrera un de nos secrets sera mis sous presse un ironique éloge funèbre, dont l’envoi lui annoncera sa proche et sûre pendaison.

            Héros de mille aventures, Enrico Vivarès sert dès lors la ligue avec zèle, courant de mortels dangers tant en réprimant le brigandage qu’en luttant contre les clans adverses.

                        Un soir de congé, à Mexico, il échoue, attiré par leur renommée alors grande, chez les Gordias (quatre frères et leurs quatre sœurs) qui quotidiennement, à heures fixes, jouent en s’expliquant, entourés d’une payante foule avide d’apprendre, le “sertino”, un jeu de leur invention à lancement récent et heureux.

            Le sertino exige beaucoup de joueurs — et huit jeux, dont chacun porte sur toutes ses cartes le portrait d’une des huit planètes souligné par son nom.

D’où une infinité de combinaisons, qui, faisant de lui le plus savant des jeux, confèrent au sertino une sorte de royauté.

            A l’entrée d’Enrico, une des joueuses, Carcetta, dit au public pour quelles subtiles raisons elle vient de lancer sur la table un trèfle-Uranus.

                        Elle entend marcher l’arrivant, et un croisement de regard les rive pour toujours l’un à l’autre.

                        Pendant les fiançailles une confidence faite par Enrico à Carcetta, bientôt indiscrète par légèreté, a des suites graves.

            Le facteur remet à Enrico une lettre qu’il lit sans chanceler : son ironique éloge funèbre. Au lieu d’attendre sa capture certaine il se livre — et on le pend assisté d’un prêtre.

                        Et une vignette, sous le mot FIN, représente un ange funèbre aux ailes noires emportant son esprit.

                        Suivent quelques pages qui, sous le titre naïf d’« Epilogue de secours », montrent, pour les âmes sensibles, un Enrico gracié qu’épouse Carcetta.