SALLE DE LECTURE | |
Une châtelaine sous laTerreur |
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Une châtelaine sous la Terreur La marquise d’Ernange vit à demi prisonnière dans son château voisin de Nantes où règne Carrier. Et elle songe qu’un moyen s’offre à elle de s’embarquer pour l’Angleterre. En 1788, aux fêtes du quatrième centenaire de l’exploit d’un de ses enfants, le navigateur Discoul, qui le premier, en 1388, franchit la ligne, la ville de Nantes a créé une commémorative monnaie locale — un écu d’argent à complète géographie, sorte de Terre plate dont l’équateur, à dessein, est fait d’or. L’explosion révolutionnaire ayant devancé la mise en circulation, Carrier est maître du stock — et fait de chaque écu, qui d’ailleurs lui revient après usage, un emblématique permis d’embarquement. Très vénal — et armé des foudres de la noyade — il ne remet un écu sauveur que contre une grosse somme. Pour que sa débonnaireté ne puisse paraître suspecte, chaque payeur doit lui expliquer valablement par écrit son vœu de départ, en émaillant sa fable de politiques formules bassement flatteuses. La marquise vient de revendre ses bijoux, quand justement naît une occasion d’entente directe. C’est la nuit de Noël. La scène coupée en deux, montre la chapelle du château où un petit groupe écoute la messe — et un salon à médianoche prêt. Soudain un chœur révolutionnaire dans la coulisse — suivi d’un regard jeté avec commentaires par la fente d’un volet et d’un enfoncement de porte. Paraissent Carrier et ses meilleurs suppôts, qui, brisant tout sur l’autel, exigent de la dévote assemblée une immédiate palinodie. L’orage passé, la marquise prend Carrier à part et traite victorieusement ; il la recevra le lendemain après sa soudure, sommeil très pratiqué alors qui soudait le matin au tantôt — et que nous appelons maintenant méridienne. Arrivée
à l’heure dite avec l’argent et l’écrit, la marquise reçoit un des convoités
écus — et s’embarque. |
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