SALLE DE LECTURE

Zéliskar
Dorinval
(dans Henri Monnier
Mémoires de Joseph Prudhomme, 1857)

 SCENE DERNIERE
 

AZELIE, ZUMA, PIZARRE, ZELISKAR, FERNANDEZ,

PERUVIENS, ESPAGNOLS.

 *

PIZARRE

 Mère cruelle, approche et connais ton erreur !
Le ciel, dont mes forfaits ont lassé l’indulgence,
Sur mon lent repentir a porté sa vengeance.
Je fléchis sous sa loi. Le murmure et l’orgueil
N’accompagnent plus l’homme aux portes du cercueil.
S’il eût sauvé mes jours (c’est le ciel que j’atteste),
J’allais à ton repos en employer les restes.
Vaincu par la nature et de l’amour vainqueur,
Je volais dans tes bras quand tu perças mon cœur.
Zéliskar, c’est à toi d’adoucir ma misère :
Viens à ses yeux encore, viens reconnaître un frère.
 

ZUMA

 Dieu ! son frère ?…

 
PIZARRE

                     Oui, lui-même… oui, le chef de ces lieux
Dans un jour de terreur, l’éloigna de nos yeux.
 

ZUMA, à Zéliskar.

 Ah ! de quels yeux, mon fils, dois-tu revoir ta mère !

 

PIZARRE, à Zéliskar.

 Pardonne-lui les coups dont va mourir ton frère.

          A sa suite.

 Vous qui serviez ma rage et voyez mon trépas,
Espagnols, loin d’ici, précipitez vos pas ;
Ne troublez plus la paix qu’on goûte en ces asiles ;
Le ciel y veut des cœurs innocents et tranquilles.

           A Zéliskar.

 Toi, près de ces objets si bienfaisants, si chers,
Coule des jours heureux au fond de ces déserts,
Ne les quitte jamais. C’est là que la nature
Ose élever encore une voix libre pure,
Et de ses premiers traits conservant la candeur,
Aux limites du monde a placé le bonheur.
J’expire, heureux du moins dans le sort qui m’opprime,
Que mon dernier soupir ne soit pas pour le crime.

                                                          Il tombe.